INTRIGUE

N°1 : Nouveaux arrivants

Ils étaient arrivés à des intervalles irrégulières, souvent dans la discrétion la plus totale, comme des voleurs. Ces gens là n'étaient pas semblables, et pourtant ils avaient tous quelque étincelle dans l’œil qui les faisaient ressembler à une famille: la lueur de la cruauté. Ils auraient pu se fondre dans la masse, puisque ici, les pensionnaires possédant cette lueur n'étaient pas rares. Seulement, chez eux, cette lueur était plus prononcée, et les dangers dont le personnel avait l'habitude devenaient une menace secondaires. Les délinquants étaient recalés au rang de caïd de bac à sable. Personne n'annonça leur arrivée, mais bien vite, la rumeur circula de bouche à oreille, et se répandit dans les couloirs comme un mauvais rhume. Au début, les plus audacieux voulaient se frotter à ces nouveaux arrivés, leur montrer qu'ici, c'était eux qui faisaient la loi. Une grande frénésie secoua tout Great Victoria à l'annonce officieuse de ce duel, et ce fut d'une vague générale que tout le monde se rendit au lieu annoncé: le réfectoire.

Deux d'entre eux se tenaient nonchalamment contre le mur, et les deux autres n'étaient même pas présent, par ennui ou par simple dédain. Il y avait une femme, et un homme, qui semblaient, depuis leur arrivée, liés par un contrat muet. Aucune affection ne faisait ciller leurs yeux, et pourtant, quelque chose les rendait, d'une manière ou d'une autre, inséparables. La femme était superbe, blanche aux longs cheveux noir corbeau, un corps qui semblait sculpté dans un métal précieux inconnu, une certaine provocation naturelle dans ses gestes et son regard, comme si elle se dénudait à chaque instant, obligeant ainsi celui qui lui faisait face à succomber au péché et à se laisser emporter dans les méandres nébuleux de son savoir. L'homme, lui, attirait de manière irrésistible, non pas de la même manière que sa compagne, mais plutôt par la rage et la colère qui se dégageait de tout ses gestes. Il semblait ne rien voir autour de lui, et pourtant, rien ne lui échappait. Son apparent détachement cachait un homme rodé au combat et à la victoire. Il n'avait aucun doute quant à l'issue du combat. Mais ça allait être amusant, de voir ce gamin s'enfoncer dans son propre défi, et de voir que rien ne pouvait le sortir de la merde dans laquelle il s'était lui même mise.

Quelques minutes plus tard, les deux nouveaux sortirent. Ils n'avaient aucune égratignure, étaient parfaitement coiffés et habillés, et aucun cheveux ne dépassait. Seule cette tache de sang qui dégoulinait des doigts de l'homme pouvait informer de l'état de son opposant.

A partir de ce jour, plus personne n'osa mettre en doute le pouvoir de ces gens là: le tueur effronté, la prostituée envoutante, la paranoïaque violente, et le magicien sadique, tous les spécimens étaient réunis. Chacun sortait tout droit du cauchemars de l'un, des peurs de l’autre. Certains disaient même qu'ils sortaient de l'enfer, et que certains élèves s'étaient alliés à eux.

Ce courant de terreur ne disparut plus jamais de Great Victoria. Il s'y installa, et s'y enfonça comme le lichen sur un rocher.